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NEZ

et comme un pareil symptôme causait alors les plus vives craintes et le plus triste abattement, on en prit occasion de dire au figuré : Saigner du nez, pour exprimer le manque de courage et de résolution.

Tirer les vers du nez à quelqu’un.

Tirer de lui un secret par des questions adroites. — Nicot dit que cette façon de parler vient des pipeurs charlatans qui font accroire aux simples gens beaucoup de telles riottes, afin d’avoir cependant le loisir de vider leur gibecière. Je pense qu’elle a une autre origine, et que le mot vers est ici un terme qui nous est resté de la langue romane, où il s’employait dans l’acception de vrai, comme l’attestent les deux exemples suivants, dont le premier est pris du roman de Rou de Robert Wace, et le second, d’une pièce du troubadour Armand de Marueil :

Mez veirs est ke li vilain dit,
Mais ce que dit le vilain est vrai.

Aisso saben tug que es vers,
Nous savons tous que ceci est vrai.

On aura dit primitivement li vers ; et, dans la suite, on aura traduit li vers par les vers, en attribuant à l’article un sens pluriel qu’il n’avait point en ce cas. Quant à l’expression tirer du nez, elle peut avoir été choisie par trois raisons : 1o parce qu’elle est au propre un équivalent du vieux verbe émoucher, auquel on donnait souvent, au figuré, la signification de tirer par adresse[1] ; 2o parce qu’elle réveille dans l’esprit, par une certaine analogie, une réminiscence de ce qu’on appelle mener par le nez ; 3o parce qu’elle offre cette espèce de singularité qui fait ordinairement le sel des phrases proverbiales. On sait que le peuple, dans son langage, est grand inventeur de ces

  1. Comme ce verbe est très ignoré des lexicographes, dans l’acception que j’indique, je citerai pour preuve de cette acception tes deux vers suivants, extraits de la Trésorière, comédie de Jacques Grevin (Act. ii, sc. 2) :

    Si est-ce que j’ay espérance
    D’émoucher quelque argent de vous.