Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/113

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photographies en me disant : « Ma tante s’est mis en tête de louer ce bateau pour m’emmener, cet été, faire une croisière de deux mois en Méditerranée. Il paraît que l’air marin achèvera de me remettre. C’est une idée de Tullier, naturellement, mais, cet été, je serai crevé depuis longtemps. » En parlant ainsi, il me pose un piège. Mais je demeure imperturbable. Je me suis borné à féliciter notre ancien « amiral » de son prochain commandement à la mer.


24 février. — J’ai reçu une lettre de ma mère, qui me rappelle doucement ma promesse de venir passer une semaine avec elle à Clessy. Elle a raison ; que fais-je à Paris ? J’y mène la vie la plus inutile et la plus vaine. J’ai honte de ce que j’écris chaque soir sur le cahier de Neroli. Il se remplit d’une nomenclature de faits insignifiants. Hélas ! si j’y écrivais mes rêves, quelles mélancolies désespérées ne s’y accumuleraient-elles pas ! Jamais je ne me suis senti le cœur plus vide ; mais, dans ce vide, quel ardent désir d’amour subsiste encore ! Et, cependant, depuis ma rupture avec Juliette, je m’étais bien juré de me résigner à ma solitude.


27 février. — Pauvre Juliette ! qu’ai-je en somme à lui reprocher ! Elle ne m’avait juré ni amour