Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/115

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chaperon, était assise sur la banquette devant nous. Elle nous considérait avec indulgence, car cela lui semblait une singulière folie que de se déranger pour voir des vieilles pierres et des maisons où nous ne connaissions personne. Sa présence, d’ailleurs, ne nous gênait nullement. Nous n’avions guère, Mme  P… et moi, des allures d’amoureux. Dès notre première rencontre, un ton de camaraderie très libre et très aisé s’était établi entre nous. Robert Néral m’avait prévenu, à Sienne, qu’il n’y avait rien à tenter auprès de Mme  P…, sinon d’obtenir son amitié. Elle voyageait en Italie pour attendre le retour de son mari qui avait été obligé, par son métier, à un assez long séjour en Albanie. Elle aimait beaucoup ce mari, m’avait dit Néral, qui avait ajouté : « Du reste, il est beaucoup plus beau garçon que toi et que moi. » Je me l’étais donc tenu pour dit, et les relations entre Mme  P… et moi étaient celles de deux Français qui se retrouvent à l’étranger, qui ont plaisir à mettre en commun leurs impressions et leurs curiosités, et qui ne sont pas mécontents d’abréger les soirées d’hôtel par un peu de conversation. J’avais donc accepté, en ces conditions, la compagnie de Mme  P… et c’était d’un cœur tranquille que je cheminais à ses côtés vers la villa Valmarana.

Notre promenade, d’ailleurs, risquait fort d’être mouillée. À mesure que nous montions, le ciel s’assombrissait et, quand nous arrivâmes à la Villa, des gouttes commençaient à tomber sur les petits nains de pierre dont les figures grotesques ornent