Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/201

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Tout cela rend M. Neroli infiniment sympathique. À ce propos, remarquez comme la qualité d’Italien nous rend indulgents à ces sortes de pratiques. Que M. Neroli soit Français et soit né, par exemple, à Epernay, l’idée qu’il aurait donné un coup de couteau à quelque Champenois comme lui nous serait plutôt désagréable. Mais M. Neroli est Italien, M. Neroli est Siennois, et son aventure prend tout de suite je ne sais quoi de romantique qui plaît à l’imagination.

Je pense que vous commencez à comprendre, mon cher Jérôme, les plaisirs et les avantages que je trouve à la société presque quotidienne de M. Delbray. Grâce à lui, me voici débarrassée de cette solitude qui aurait fini par me peser un peu. J’ai rencontré en lui un charmant et facile compagnon, d’une conversation plaisante, variée et sans pédanterie. De plus, sa compétence remarquable m’est précieuse. Rien n’est donc plus naturel que je me plaise à fréquenter M. Delbray. Mais ce qui est plus singulier, peut-être, est que M. Delbray se soit prêté si volontiers au genre de relation que j’entretiens avec lui. Quel avantage en peut-il bien retirer ?

Cette question, je me la suis posée plus d’une fois à moi-même. J’y ai réfléchi assez longuement et voici les conclusions auxquelles je suis arrivée.

Il est évident qu’il existe, tout d’abord, dans la complaisance si empressée que me témoigne M. Delbray, le désir d’être agréable à Mme Bruvannes. Il m’a rencontrée chez elle. Elle m’a recommandée à lui. Et M. Delbray tient à faire honneur à cette recommandation. Mais cette explication ne suffit pas. À celle-là, j’en ai ajouté une autre qui la complète et qui m’est venue maintenant que je connais mieux mon compagnon. Julien Delbray est un charmant garçon, très intelligent, très bien doué, avec toutes sortes de curiosités intellectuelles