Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/215

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nocturne, la veilleuse du dortoir. Mais c’était surtout au jardin que nous sentions son charme troublant.

Ah ! mon cher Jérôme, que l’été y était donc charmant dans ce vaste jardin, entouré de hauts murs vigilants ! Comme il s’y montrait frais et tranquille ! Quelles belles fleurs il y faisait naître ! Quels beaux feuillages il y faisait reverdir chaque année ! Que les nobles vieux arbres de notre enclos se paraient donc pompeusement et délicieusement de leurs feuilles nouvelles ! Ce cher jardin rendait supportable la captivité où nous vivions. Je l’ai beaucoup aimé, ce jardin du couvent de Sainte-Dorothée. Je l’ai aimé au printemps et en été. Je l’ai aimé aussi en automne. Il est, d’ailleurs, rarement grand et mystérieux pour un jardin de ville, car il comprend une importante partie de l’ancien parc des princes de Tréville, dont l’hôtel, qui sert encore de principal bâtiment aux religieuses, contient le beau parloir où j’ai eu l’honneur de vous rencontrer et d’attirer votre attention. Il est beau aussi, ce parloir, avec ses antiques boiseries, et c’est là que j’ai pris sûrement le goût des bibelots et des décors d’autrefois. Mais le jardin est bien plus admirable encore avec sa longue pelouse centrale, ses deux épaisses charmilles, ses deux allées majestueuses, au bout desquelles se trouvait ce que l’on appelait le labyrinthe. Au delà du labyrinthe, il y avait le grand bassin. Au milieu, l’on voyait un groupe de l’Amour et de Psyché. De Psyché, les bonnes mères avaient fait une fort jolie Sainte Vierge et, de l’Amour, un Jésus adolescent, plein de grâce et de coquetterie. Par cette habile transformation, les convenances étaient sauvegardées, mais nous nous demandions pourquoi la mère et le fils se trouvaient ainsi au centre d’un bassin. Toutes les autres statues du parc avaient été modifiées par les bonnes mères, selon les mêmes principes. De Mars guerrier, on