Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/270

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dons les voix proches de Mme Bruvannes et des Subagny que domine le fausset de Gernon. Ils ne nous ont pas aperçus et s’éloignent dans une autre direction. Mme de Lérins a souri. Puis nous nous sommes levés pour continuer nous aussi notre promenade.

Tout en rôdant à travers les voies pompéiennes, Mme de Lérins et moi, nous avons parlé assez longuement de Gernon. Comme à moi, il lui apparaît ainsi qu’un étrange personnage. Ce savant est vraiment un être falot ! Depuis qu’il voyage sur le yacht de Mme Bruvannes, ce vieux fou s’est avisé de dépouiller sa personnalité d’homme de science pour en revêtir une d’homme du monde. Au lieu de demeurer l’érudit qu’il est et qui serait, après tout, une compagnie supportable, car il a du mérite dans sa spécialité, il affecte de faire le gentil, le coquet et le galant. Oui, Gernon fait le joli cœur avec les dames. Ah ! si Feller voyait cela, quelle joie ce spectacle lui causerait et quel regard il aurait sous ses lunettes ! Et il faut voir comment Gernon s’acquitte de ce rôle. Les Subagny eux-mêmes, qui le connaissent de longue date, en sont stupéfaits. On leur a changé leur Gernon. Antoine moins patient et que Gernon agace, le rembarre assez rudement. La bonne Mme Bruvannes, qui avait une sincère admiration pour les livres de Gernon, est un peu déconcertée de ses manières. Elle qui s’attendait, de la part du bonhomme, à des conversations instructives et sérieuses ! Elle qui se réjouissait de visiter les lieux fameux