Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bronze, une brusque impression d’Orient et de Mille et une Nuits.


Durant cette semaine de Naples, nous avons retrouvé, Mme de Lérins et moi, nos allures de camaraderie. Et cependant, cette sorte d’hypocrisie d’amitié me devient intolérable. Chaque jour, je me jure que c’est le dernier où j’accepte l’équivoque où nous vivons. Chaque jour, pourtant, je remets au lendemain l’aveu qui me brûle les lèvres, cet aveu dont j’ai imaginé cent fois la scène, dont je me suis répété cent fois les paroles, mais que j’hésite à prononcer, parce que je suis lâche, parce qu’un mot d’elle peut anéantir mes rêves. Pourtant, cette Naples voluptueuse et ardente devrait m’encourager, cette Naples où le soir, autour du yacht, l’amour vient chanter ses chansons au balancement des barques pleines de voix et de musiques.


L’autre soir, après le dîner, nous étions assis sous la tente, Mme de Lérins, Antoine et moi. Mme Bruvannes, les Subagny et Gernon, fatigués d’une promenade au cap Misène, étaient allés se coucher. Antoine avait allumé un cigare. C’était le premier qu’il fumait depuis sa maladie et cet exploit le mettait de fort bonne humeur. Tout à coup, en