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ler avec elle prendre le thé à la villa Igiea, pendant que Mme de Lérins et moi nous visiterions les monuments et les curiosités de Palerme où nous ne resterons pas longtemps, car Antoine prétend que le séjour dans les ports l’ennuie et le fatigue. Ce qu’il aime, c’est la navigation en mer, les longues journées entre le ciel et l’eau, le doux balancement, la sourde trépidation du navire en marche. Il ne veut pas descendre à terre et nos promenades l’agacent, surtout quand Mme de Lérins et moi ne les faisons pas en compagnie de Mme Bruvannes, des Subagny et de Gernon. Et cette mauvaise humeur indéniable d’Antoine envers tout ce qui me rapproche de Mme de Lérins me rend mes soupçons à son égard. Quant à elle, elle montre pour Antoine assez peu de sympathie. Elle est avec lui polie et réservée, rien de plus.


23 juin. — Quelles singulières gens que ces Subagny ! Toute la vie de M. Jules Subagny a été dominée par un fait, et ce fait c’est que M. Subagny a ce que l’on appelle une « tête de médaille ». M. Subagny, en effet, a le visage fort régulier, le nez droit, les yeux grands, la bouche bien dessinée. M. Subagny ressemble assez à un éphore grec ou à un proconsul romain. Il a été fort beau et l’est encore. Cette beauté classique lui a valu, à vingt-deux ans, la bonne fortune d’être demandé en mariage par Mlle Lebléru, la fille du grand entrepreneur de ma-