Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/310

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à son pied nu. Au dehors, le vent soufflait avec brutalité, la mer se gonflait de lames furieuses. Cette violence des éléments contrastait singulièrement avec la fragile et délicate beauté de Laure. Ah ! que j’eusse voulu la prendre dans mes bras, la serrer sur mon cœur ! Et brusquement je tendis les mains vers elle en m’écriant :

— Oh ! Laure, Laure, comme vous êtes belle et comme je vous aime !

Si jamais dans ma vie je fus éloquent, si jamais j’ai pu exprimer tout l’amour que contient un cœur d’homme, ce fut cette nuit-là, dans cette étroite logette balancée par la houle ! Parfois, le tumulte du vent était si fort qu’il dominait mes paroles. Alors, Laure s’inclinait doucement vers moi pour m’entendre. À ces moments, elle soulevait sa tête du coussin de cuir sur lequel sa nuque reposait. Elle se penchait en avant. Elle semblait m’écouter avec plaisir. J’étais enivré de ma propre passion. Je lui en disais les racines profondes et l’épanouissement soudain. Je lui disais l’admiration que sa présence m’avait immédiatement inspirée. Je lui avouais enfin tous les pauvres secrets de mon âme et de ma vie.

Ah ! quel soulagement j’éprouvais, après tant de semaines d’hésitation et de silence, à lui parler librement et ardemment ! Certes, c’eût été pour moi un immense bonheur si le mot que, sur la terrasse de Monreale, elle ne m’avait pas fait prévoir comme impossible, était sorti de ses lèvres. Oui, c’eût été pour moi une indicible joie de la saisir dans mes