Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/341

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La rancune que j’avais éprouvée, jadis contre Antoine, à propos d’Étiennette Sirville se mêlait à mon grief actuel. Antoine s’était dégagé de mon étreinte et s’était dressé sur son séant. Il avait lancé à travers la cabine sa cigarette allumée qui retomba sur le tapis. Machinalement, je l’éteignis en posant mon pied dessus.

— Ah ! ça, es-tu fou ? Qu’est-ce qui te prend ? Mme  de Lérins.... Mais est-ce que je sais pourquoi elle est partie ? Est-ce que tu m’avais chargé de la garder ? Il ne fallait pas aller courir les routes avec cet imbécile de Kérambel. Eh bien oui, Mme  de Lérins est partie. Pourquoi ? Parce qu’elle avait envie de nous plaquer, parce qu’elle avait joui suffisamment de notre compagnie. Il fallait s’y attendre, mon cher, et tu ne devrais pas en être si étonné, sapristi ! D’ailleurs, ce n’est pas une raison pour faire tout ce train. Est-ce que c’est de ma faute si la belle Laure est décampée ! Je suis sûr que tu as rencontré cette vieille fripouille de Gernon, à qui j’ai lavé la tête hier à propos de ses façons ridicules avec ma tante. Alors, pour se venger, il a dû inventer quelque rosserie et te conter que Mme  de Lérins avait quitté l’Amphisbène à cause de moi. Eh bien je te préviens que tu fais fausse piste. À cause de moi, Mme  de Lérins, allons donc, mais c’est à cause de toi, de toi seul qu’elle est partie !

Antoine avait sauté à bas de la couchette et il arpentait la cabine en gesticulant. Il était à demi enveloppé d’un peignoir. De grosses gouttes de