Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/107

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mystérieuse et aussi l’emblème prédestiné à la délivrance de son âme prisonnière dans l’horreur de son silence.

Son mariage avec M. d’Heurteleure fut sans amour. Elle estima, en le craignant, son noble caractère dont la dureté intimida sa confiance et découragea sa tendresse ; des années passèrent ; un hiver, d’Aiglieul apparut dans sa vie et fréquenta son intimité. Il était beau, encore jeune. Elle se donna à lui : ce furent des jours de joie et de terreur vécus dans les transes d’une surprise et dans l’angoisse du remords. M. d’Heurteleure ne s’aperçut de rien, il était, comme à l’ordinaire, souvent absent ; seulement il vieillit et une large ride s’ajouta à celles qui creusaient déjà son front.

Un soir, Madame d’Heurteleure s’était retirée dans sa chambre vers minuit. Elle se sentait triste. M. d’Aiglieul n’avait point paru de la journée, et il ne manquait guère de venir presque chaque jour. M. d’Heurteleure était parti à cheval dès le matin bien qu’il plût. Au moment où elle peignait ses cheveux devant une glace elle y vit que la porte s’ouvrait, son mari entra. Il était botté, mais ses bottes ne conservaient