Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/121

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bouches hideuses ; la perte s’attristait en moues gracieuses ou en lippes renfrognées. L’or crépitait, et l’on entendait, dans le silence intermittent, la culbute des cornets et le vol furtif et augural des cartes.

L’or des gains s’infiltrait dans les vies environnantes où la perte creusait ses fissures. Il se créait des vénalités subites ou sournoises, les unes inattendues, les autres épiées. Trouées ou lézardées, les consciences croulaient ou s’émiettaient. L’or circulait de mains en mains pour l’assouvissement des désirs. Il y avait marché, encan et marchandage. Chacun cherchait à vendre quelque chose ou à acheter quelqu’un. Certains gagnaient sur l’entremise, beaucoup spéculaient sur le besoin, tous trichaient sur la qualité. Toute passion pouvait se satisfaire pourvu que la chance la favorisât.

Jeunes hommes fardés et languissants, femmes viriles et cavalières négociaient leurs caresses interverties. Les sautes de la richesse, sa caducité et son improviste donnaient à tout souhait la brusquerie de sa hâte. Les plus heureux se fatiguaient de leur bonheur par la monotonie de sa durée. Les fantaisies s’exaspérèrent ; on en