Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/141

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récits de ces colloques, car ces maîtres paraissaient plus curieux par leur entente de la vie que par leur science de la sagesse, et Hermotime, subordonné aux préceptes, se fût montré court d’anecdotes. S’il avait oublié les voix, il avait retenu toutes les doctrines pour y chercher la matière de la sienne. La sagesse est partout, disait-il ; de ses mille pièces éparses et mêlées, il faut reconstituer une figure qui les utilise ; sa forme déterminée par la coïncidence de leurs parties ne prend sens qu’à leur totalité.

Hermotime cherchait de par le monde ces pièces dépareillées. Là-dessus il était infini. Hermas le laissant dire, car sa songerie un peu taciturne prêtait à ces propos un silence inattentif et indulgent qu’il animait du geste de cueillir une fleur ou de jeter un peu de sable dans l’eau calme du bassin auprès duquel ils restaient assis.

De grands poissons erraient là mélancoliquement, lents et presque végétatifs, si vieux que des mousses oxydaient leurs écailles : ils se veloutaient de vétusté et glissaient onctueusement dans l’eau lourde.