Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/153

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tage, plus désolée en l’inquiétude de son attente. La nuit, elle ne pleurait plus, car elle ne dormait pas et l’insomnie la privait de la douce faiblesse des larmes. Le vent soufflait au dehors avec un bruit de flûtes discordantes ; l’automne inclinait vers l’hiver ; il vint.

Pendant des mois elle fut sans autres nouvelles d’Hermotime. Le printemps reparut ; les nuages filaient vers le nord. De nouveau, le petit marché sur la place égayait le silence de la ville. Hertulie sortit pour acheter des fleurs. C’étaient les premières de la saison, naïves et comme improvisées ; leurs pétales semblaient de la neige ensoleillée et fondante. Devant les étalages peu fournis presque personne ne se promenait. Le cabaliste manquait et les ânes piétinaient, tout bourrus encore de leur poil d’hiver. Hertulie choisit à la hâte quelques primevères et, en rentrant, sa surprise fut grande, car sur la console où elle allait les placer dans un vase, on avait, en son absence, posé sur le marbre une gourde d’étain et un petit miroir. Longtemps elle rêva devant ces attributs ; la gourde était toute bosselée comme si on l’eût apportée de très loin.

Les jours grandissaient et les hirondelles re-