Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/177

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pâtres ; la vase molle autour des mares est piétinée par les bestiaux ; le parfum du foin se mêle à l’odeur des étables ; il y a des ruches d’abeilles dans les jardins et des meules s’alignent sur les chaumes ; du petit champ carré où l’on bêche au soleil, on n’a devant soi, au-dessus des haies vives, que le ciel. La sueur coule du front en gouttes tièdes, et l’ombre des arbres est si fraîche qu’on croirait boire à une fontaine.

Un soir qu’il songeait ainsi en étendant ses filets sur le sable autour de sa barque tirée, il entendit quelqu’un qui lui parla. C’était un étranger ; sa stature s’appuyait sur un bâton ; avec ses traits las et son manteau de bure il ressemblait au crépuscule. L’homme demandait à acheter les engins et le bateau et, tout en parlant, comptait dans l’ombre, une à une, des pièces d’or.

A l’aube, Hermagore le Pêcheur s’arrêta au milieu d’une vaste plaine sablonneuse où poussaient des herbes bleuâtres. Le fleuve l’avait rejoint par un caprice de ses méandres, et son eau glauque roulait entre des îles qui s’y reflétaient et semblaient s’y enraciner par les cheve-