Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/180

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zon les navires ; leurs voiles connaissent tous les vents et, par des mers lointaines, ils vont à de riches contrées d’où leurs cales reviennent imprégnées de l’odeur des cargaisons pour enrichir des maîtres puissants qui, en des demeures ornées de coraux et de cartes, supputent les escales et les marées.

L’année suivante fut telle qu’Hermagore glana pour pouvoir semer. Il allait par les champs, courbé sous le soleil. Enfin ses semailles prospérèrent : son champ aussi fut vermeil, et, il le regardait préparer sa prospérité quand le ciel se couvrit. L’orage creva en grêle ; pas un épi ne resta debout, et Hermagore, pâle et silencieux de colère et de désespoir, s’éloigna, à travers la plaine, la face meurtrie et les mains saignantes des grêlons qui les avaient blessées.

Comme il s’approchait d’une fontaine pour y laver ses plaies, il vit un homme couché sur le bord et endormi. C’était ce même étranger qui lui compta jadis les pièces d’or pour l’achat de la barque ; il avait donc quitté les rames et le filet, et Hermagore, au moment de l’éveiller afin de s’enquérir de ses fortunes, remarqua, à côté du dormeur, une bourse entr’ouverte ; des mon-