Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/192

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L’auberge où on arrêta à la nuit était bonne. La chambre à rideaux de serge donnait sur la grand’place ; l’horloge sonna d’heure en heure ; je dormis mal.

Au sortir de la ville, le chemin reprenait entre deux lignes d’arbres. Vers midi nous longeâmes un canal. Sa lame d’eau plate se continuait indéfiniment, tantôt rigide entre les berges droites, tantôt flexible entre les rives tournantes. Des haleurs traînaient de lourdes barques ; un petit âne les y aidait. Durant le voyage le long de ce paysage morne et presque pareil à son reflet rien n’avait distrait mes pensées. Elles s’occupèrent du duc Hermocrate. Les histoires narraient sa vie surprenante qui s’amplifiait déjà en légende, et, aujourd’hui terminée, j’en revoyais le cours et l’aspect.

Le Destin y ressembla à une fiction ; tout s’y ordonna comme d’accord avec une intention mystérieuse, et ce mélange de tout la fit quelque chose d’unique et de singulier. L’aventure y risqua l’échec et y escamota la gloire. Vie turbulente et méthodique, l’abondance des événements y fut l’occasion du plus constant bonheur. Cette main leva l’épée, souleva le sceptre, fit