Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/193

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mouvoir le fil des mille marionnettes humaines. La lampe d’Aladin mêla sa goutte d’huile à la cire fondue de la torche d’Éros sur la chair engourdie d’une Psyché à deux visages et éveilla la Fortune en même temps que la Volupté. Les affaires du temps, avec leurs entreprises, leurs péripéties, leurs issues, fournirent à cet homme les expériences de sa diplomatie et l’occupation de sa puissance. De sa jeunesse à sa vieillesse, tout, amour, pouvoir, honneurs, servilement se donnèrent à lui. Il connut le bonheur humain de ses excès à ses minuties, les faveurs du sort de sa connivence à son esclavage. La vie lui offrit toutes ses circonstances au point de lui permettre toute occasion, du haut fait à la manigance ; et maintenant il était mort. Mort ! et que regrettait-il en mourant ? Pendant les vingt années de sa retraite dans ce solitaire château, à quel ressassement de soi-même voua-t-il son silence en suspens sur le silence éternel ? On le disait vivant là dans un écart orgueilleux avec le prestige du pouvoir volontairement abdiqué, sauf la réserve de certaines prérogatives honorifiques, cérémonieux et hautain. L’étiquette est la momie de la grandeur, la gloire s’y atrophie