Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/197

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prétexteraient avaient dû l’occuper depuis des années, et il ne ferait moins, pensais-je, que de s’y montrer admirable.

J’avais repoussé le chanteau et trempais dans du sucre des quartiers de poncire quand on vint m’avertir. Par d’interminables corridors, j’arrivai au vestibule. L’escalier montait droit ; sa rampe de fer forgé bordait ses marches de pierre. Le laquais me précédait à travers des salons, les uns sombres où on se heurtait aux meubles : à tâtons, je sentais en les évitant le pelage des tapisseries ou la chair des satins ; parfois, en soulevant une draperie, la chevelure de soie des effilés me frôlait la main ou le visage. Ailleurs les lustres flamboyaient ; la paume des appliques étalait en bougies sa main de lumière ; le bois doré des consoles se crispait à soutenir les tablettes de marbre rare où, sur des socles d’onyx, reposaient des bustes de bronze adossés aux hautes glaces qui, en leurs cadres de burgau ou de rocailles, reflétaient des tonsures d’empereur ou des nuques de déesse, des coiffures de reines ou des toisons de faunes. Au milieu d’un de ces salons, circulaire et peint de guirlandes, une seule bougie brûlait sur un