Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/237

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turne, d’un cristal froid et énigmatique ; il semblait contenir un philtre de quelque extraordinaire puissance car la panse tuméfiée et comme respectueuse se corrodait ; des vitrifications arborescentes s’y agatisaient intérieurement en la translucidité crépusculaire des parois ; il était intact et intangible en sa sveltesse, cassable en sa dureté gélive, et si beau que sa seule vue remplissait l’âme du bonheur qu’il existât et de la mélancolie de sa réserve sacrée.

Et, à qui ne comprenait pas le geste et l’emblème, Eustase disait : « Je l’ai trouvé dans le domaine d’Arnheim. Psyché et Ulalume le tinrent dans leurs mains merveilleuses ; » et il ajoutait plus bas : « Je n’y bois point ; il est fait pour qu’y boivent à jamais les seules lèvres de la Solitude et du Silence. »

Le crépuscule entrait dans la chambre spacieuse et cénobitique. A travers les vitres claires le couchant rougeoyait, il apparaissait double : au dehors tout proche de ses nuées sanglantes et souffreteuses qui se cicatrisaient lentement et aussi très lointain dans un miroir incliné qui, faisant face aux fenêtres, le reflétait. La ferveur occidentale brûlait, à froid, dans le