Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/244

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déjà parcouru des lieux singulièrement et irrémédiablement abandonnés.

D’abord, le long des chaussées dédallées, les bornes numératrices, peu à peu, manquèrent. Celles qu’on rencontrait encore étaient moussues et ébréchées, puis les routes s’étaient changées en sentiers qui eux-mêmes s’amincirent, hésitèrent et disparurent. Les routes, au sortir des villes moribondes, côtoyaient des villages agonisants, et cessèrent au delà des dernières chaumières.

Tristes et dolentes villes ! Tassées dans un coin de leurs enceintes trop vastes qui cerclaient, de la tresse surabondante de leurs murs noués de tours en ruines, l’amaigrissement minable de la cité, elles se ratatinaient au fond de la corbeille de leurs murailles comme des fruits qui se racornissent en une pourriture sèche et cendreuse. Le vent, l’automne, semble les becqueter, avec ses cris d’oiseau douloureux par tout le ciel.

Dans les villages, les vieilles mains ne pouvaient plus mettre en branle les cloches des clochers qui se lézardaient jusqu’au toit et dégringolaient, pierre à pierre et tuile à tuile,