Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/251

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beauté, comme toute beauté vraiment délicieuse, n’était point sans langueur. C’étaient des coussins à grandes fleurs ornementales habilement dénaturées. Il s’y mêlait des motifs de fruits, des grenades à des tulipes. Les beaux fruits s’engorgeaient ou se tuméfiaient et les sveltes fleurs s’y composaient moins imitatives que logiques et rationnelles. Certaines étoffes étaient assez légères pour que les duvets intérieurs y apparussent par transparence : duvet blanc des cygnes du Montsalvat, bourre noire des cygnes de l’Hadès !

Vers le soir elle dénouait la bandelette d’hyacinthe qui retenait sa chevelure et parfois nous marchions au crépuscule.

Le plus souvent elle portait une robe d’un vert vif et frais. Des reflets d’argent miroitaient la lucidité prasine de l’étoffe. Des rosaces d’émaux translucides l’ornaient qui alourdissaient les plis et leur imposaient une rigidité statuaire et comme archaïque. Un gorgerin de pierreries juxtaposait sur la peau de sa poitrine la goutte vive des émeraudes à l’eau spacieusement morte des opales. Ses pieds étaient nus : sa robe traînait un peu sur le sable tiède des allées du