Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moiteur de l’air spongieux était si imprégnée de sel que ma langue en sentait le goût sur mes lèvres. La tristesse d’Hermogène n’avait pas dû être, certes, plus âcre et plus amère. Il m’avait semblé refaire la route de ses jours et je me disais, reprenant mon chemin par le lieu déjà assombri : Puissé-je comme lui entrer dans le crépuscule ! puissé-je m’asseoir à la fontaine et qu’il y ait un âtre pour toutes les cendres de mes songes !

J’étais arrivé à un endroit de la forêt où elle m’apparut à sa suprême beauté automnale. De grands arbres espaçaient une clairière. Leur feuillage était roux et doré, et, bien que le soleil eût disparu, il semblait s’en continuer un éclat aux cimes où persévérait l’illusion de sa survie par la teinte de sa présence. Aucune des feuilles ne remuait et pourtant une parfois, d’or terne et déjà sec, d’or clair et encore vivant, tombait comme si le petit bruit mélancolique de la fontaine où elles reflétaient leur suspens eût suffi à déterminer, dans la sorte d’indifférence silencieuse de l’air, le prétexte de leur chute.

Je regardais celles qui tombaient au bassin de la source. Deux, puis d’autres encore et une