Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/272

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tude aux êtres et aux choses, les effets de sa disparition se répandirent alentour. Tout se désagrégea. Des jointures invisibles craquèrent en quelque occulte dislocation. Les plus anciens serviteurs moururent un à un. Les chevaux des écuries périrent presque tous ; on retrouvait les vieux chiens de meute engourdis à jamais, les yeux vitreux et le museau enfoui entre leurs pattes velues. Le château se dégrada ; les combles se délabrèrent ; le soubassement se tassa ; des arbres du parc s’abattirent, barrant les allées, écornant les buis ; la gelée fendit la pierre des vasques ; une statue tomba à la renverse, et je me trouvai, dans l’insolite solitude de la demeure déserte et des jardins bouleversés, comme au réveil d’une saison séculaire où j’eusse dormi les cent années du conte.

Le printemps vint en averses doucereuses, tiède et précoce, avec de grands vents qui secouaient les fenêtres fermées. L’une d’elles s’ouvrit sous la poussée extérieure. Les parfums de la terre et des arbres entrèrent en une suffocante bouffée. La fenêtre battit de l’aile comme un oiseau ; au mur, les tentures mythologiques frissonnèrent ; les jets d’eau des tapis-