Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/275

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J’errais à travers les allées. L’été flamboyait ; mon ombre, au soleil, fut si noire, qu’elle sembla creuser devant moi l’effigie de ma stature ; l’herbe des avenues me montait à mi-corps ; les insectes bourdonnaient ; les libellules caressaient l’eau opalisée de leur reflet. Nul vent ; et, dans l’immobilité de leur stupeur ou la posture de leur attente, les choses paraissaient vivre intérieurement. La journée brûlait sa beauté jusqu’à la consomption sourde du couchant ; chaque jour s’annonçait plus chaud et suspendait en lents crépuscules la fin de sa langueur suffocante.

Un malaise m’envahissait ; je marchais plus lentement, j’interrogeais l’avenue où j’allais m’aventurer, le tournant à prendre ; le rond-point anxieux m’arrêtait au centre de ses bifurcations, et, sans aller plus loin, je revenais sur mes pas.

Une fois, j’avais erré tout le jour, et assise auprès d’un bassin, je regardais dans l’eau verdie et poissonneuse les vagues visages méduséens qui s’y configuraient de remous et de serpentines chevelures d’herbages : médailles fluides et gorgoniennes, devinées et dissoutes,