Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/283

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dans le silence des glaces animées de mon reflet.

Le vent s’était tu. La strideur d’une griffe raya le verre d’une des hautes fenêtres, à travers laquelle la brusquerie d’un éclair dessina la trace phosphorique du grincement furtif et évanoui. Je reculai d’horreur. Aux vitres, attirés par la lumière ou chassés par la tempête, je vis collés des visages et des mufles. Les nymphes appliquaient au cristal leurs lèvres humides, leurs mains mouillées et leurs chevelures ruisselantes ; les faunes en approchaient la lippe de leurs bouches et la boue de leurs toisons ; les satyres y écrasaient avec frénésie leurs faces camuses ; tous se pressaient, s’escaladant les uns les autres. La buée des naseaux se mêlait à la bave des dentures, les poings se crispaient aux toisons saignantes, l’étreinte des cuisses faisait haleter les flancs. Les premiers, montés sur le soubassement des fenêtres s’arc-boutaient sous la pression de ceux qui venaient ensuite en contrebas ; quelques-uns rampaient et se faufilaient à travers les jambes poilues qui les piétinaient, et, dans l’effroi de son silence et la mêlée de son effort, la cohue du fabuleux troupeau fait