Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/302

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Nous nous assîmes en des bouges où la rougeur du vin dans les verres annonçait que le sang allait couler. Le désir grondait autour de nous. Une nuit, à la lueur des torches, devant les buveurs attablés, je l’embrassai sur la bouche. Les épées jaillirent ; on tua. Le meurtre lui cribla le visage de mouches éparses et elle riait debout dans la coquetterie sanguinaire de cette parure féroce.

Toutes les colères m’entrèrent dans l’âme ; sournoises ou violentes, elles pâlirent mon hypocrisie ou empourprèrent ma brutalité.

Je l’ai traînée par les cheveux ! Comme il pleuvait ce soir-là ! C’était le long d’un marais verdâtre, près de joncs jaunes, sous un ciel gris. Nous étions pris à mi-corps dans la vase où nous avions roulé. Cela sentait le jonc pourri, la mousse, l’eau... La pluie lava sur nos visages la fange de notre étreinte ; mais, quand nous rentrâmes au palais, les traces boueuses de nos pieds sur les dalles nous suivaient comme des crapauds qui eussent marché sur nos pas.

Il y eut une fête d’or et de joie ! Elle dansa jusqu’à l’aube : une étoile mince collait sur la