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LA CORBEILLE DES HEURES


Le flot roule, parmi les algues,
Des conques d’émail et de nacre ;
On y entend toute sa vie,
On y écoute son passé vivant,
Écume, marée et vent,
Sa joie et sa mélancolie,

Te voici donc, ô Songeuse !
Qui t’accoudes en robe pâle ;
Ta barque pleure,
Lentement, sur la mer étale,
De tous ses avirons qui s’égouttent dans l’eau :
Je t’entendais jadis du fond des soirs d’ennui
Gémir avec le câble et la mâture
Et les grands et calmes oiseaux
Dont l’aile frôle le silence,
Je t’entends au fond des soirs d’ennui
Pleurer dans l’ombre où l’Heure a fui
Avec les ailes du Silence.

Douces pensées,
Murmure du flot sur la grève,
Remous du sable, frissons d’aile,
Pas lointains et voix lointaines,
Arabesques d’algues enlacées,
Sang terrestre qui, de veine en veine,