Page:Régnier - Les Jeux rustiques et divins, 1897, 2e éd.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


LA FONTAINE AUX CYPRÈS


 
La Fontaine pleura longtemps dans la forêt.
mon âme, savais-je que tu pleurerais ?
Me voici revenu pourtant et c’est le soir ;
Nulle rose ne s’enguirlande aux cônes noirs
Des cyprès qui dans l’eau mirent leurs larmes d’ombre.
La Nymphe qui chassait à travers le bois sombre
Le Cerf aux cornes d’or guetté par le Satyre
Est revenue aussi à cette onde et s’étire,
Plus lasse, et le beau cerf blessé est revenu
Boire à la vasque où je me suis un inconnu
À moi-même et j’entends mes larmes en tes larmes,
Ô Fontaine, et le bois funeste où nous errâmes
Fut la Vie où courait mon Désir poursuivant,
Dans la ronce rougie à notre triple sang,
La Nymphe qui chassait le Cerf aux belles cornes ;
Et tes pleurs souriaient, Fontaine, à ces jeux mornes