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LA CORBEILLE DES HEURES


Laisse chanter le coq et le cheval hennir,
Roucouler la colombe aux ormes de la route
Et décroître le jour et le soleil mourir.

La Vie est pacifique à qui la vécut toute,
Aube riante, midi d’or et couchant noir,
Blessure qui jaillit ou saigne goutte à goutte.

La Joie et la Tristesse et l’Amour et l’Espoir
Ont fleuri leur guirlande et tressé leur couronne,
Et la flèche a brisé l’eau pure du miroir.

Ton orgueil a cabré au Sort qui l’éperonne
Sa crinière de flamme et son sabot d’airain
Et le seuil s’est ouvert à ton talon qui sonne.

Ta Douleur a tenu des roses dans ses mains
Et ta Joie a pleuré par la ronce et l’épine ;
Ton Espoir s’est perdu de chemins en chemins.

Laisse le glaive lourd et la flûte divine,
Tords l’inutile acier et romps le doux roseau,
Car la lame s’ébrèche et la tige s’incline.

Le crépuscule vient au jour sinistre ou beau ;
Va, dans l’ombre sonore écoute ta pensée
Qui sculpte au souvenir le marbre d’un tombeau.