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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


La bouche de ma faim y criait sa colère,
Les doigts de mon désir y crispaient leur effort
Et mon orgueil s’est vu dans cette source claire
Auréolé dans l’eau ridée en cercles d’or ;

Mais un vent furieux s’est levé sur ma Vie
À l’aurore, venant de l’aube et de la mer,
Avec une senteur de rose épanouie,
Une odeur mielleuse et un parfum amer ;

Et dans ce souffle pur, radieux et farouche,
Qui glissait sur la grève et courbait la forêt,
Je me tenais laissant par ma main sur ma bouche
Passer entre mes doigts le vent qui m’enivrait,

Le vent mystérieux de l’amour qui vers l’ombre
Emporta, dans son vol éployé vers le soir,
La voix des sources d’or qui dans mon âme sombre
Avaient chanté longtemps au milieu du bois noir.