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LA DOUBLE MAÎTRESSE

longues heures de lecture et de méditation. La salle à manger monumentale paraissait faite pour des repas copieux et graves, comme les salons pour s’y entretenir avec décence et cérémonie, plutôt en propos alternatifs et en fortes sentences que par plaisanteries et calembredaines.

Les hautes fenêtres y donnaient vue sur les jardins qui, par leurs allées régulières, leurs quinconces symétriques, leurs charmilles égales, semblaient reproduire au dehors le bel ordre intérieur. Devant le château, entre deux miroirs d’eau plate, sur une table de pierre, un cadran solaire marquait, de l’angle oblique de son gnomon de bronze, la durée du jour.

C’est à ce cadran que M. de Galandot, le père, sut que son fils Nicolas venait de coûter à sa mère un laborieux travail, car il était huit heures du matin quand la noble dame ressentit les premières douleurs et ce fut à trois de relevée qu’on accourut annoncer à son époux, au jardin où il avait fui le spectacle de l’opération naturelle dont sa femme supportait patiemment les épreintes, que la conséquence s’en trouvait un petit garçon à qui il ne manquait rien.

M. de Galandot se sentit fort soulagé. Il prit dans sa tabatière une large pincée de tabac, souleva son chapeau, mit sa perruque à la pomme de sa canne et s’essuya cérémonieusement le front. Il commanda aussitôt qu’on lui apportât à boire.

Un valet se montra bientôt avec une bouteille débouchée sur un plateau. M. de Galandot se versa un grand verre de vin, le haussa à la hauteur de