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LA DOUBLE MAÎTRESSE

du corps, restait puérile. Des yeux bleus éclairaient une figure douce et pâle et presque un peu niaise par un allongement qui mettait entre ses traits des distances qui surprenaient le regard et le déconcertaient. De longues jambes soutenaient un torse faible. Une grande régularité de mouvements s’accordait avec des façons polies et cérémonieuses. Nul feu de jeunesse en lui et une sorte de fatigue qui le rendait comme incertain et indécis. Il lui fallait peu de chose pour s’occuper et peu d’espace pour vivre.

Le petit nombre d’objets qu’il avait vus ne lui avait donné qu’un petit nombre d’idées. Une seule le dominait, celle de plaire en tout à sa mère. Son respect pour elle, plus que filial, était sans mesure. Hors ce point, il se montrait surtout soucieux du bon ordre de ses habits et de petites habitudes auxquelles il semblait fort attaché.

Sa mère lui avait inculqué, entre autres, celle d’une piété sincère et l’aversion du péché, aversion, d’ailleurs, toute nominale et aucunement matérielle. Il savait, par principe, l’existence de la faute, mais il n’en connaissait guère la pratique, car il manquait des occasions d’en commettre d’autres que des plus vénielles, étant réellement sans malice et par là presque hors d’état de pécher avec le propos nécessaire à en aggraver le cas et à en aiguiser l’offense.

Son enfance étroite et rigoureuse se passa donc en lui-même sans qu’il éprouvât de grands besoins de se mêler à l’alentour. Les jardins de Pont-aux-Belles furent le seul terrain de son exercice phy-