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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Sous les noms de sorcier, d’enchanteur, ou devin,
Il n’attribue à l’homme un pouvoir surhumain ;
Le pouvoir de créer le vent et la tempête,
De s’élever en l’air, de se changer en bête ;
De rendre un frais troupeau tout à coup languissant,
Une épouse stérile, un éponx impuissant.
Insensé, d’où viendrait ce pouvoir détestable ?
Dis-moi si c’est de Dieu ; dis-moi si c’est du diable :
L’attribuer au Ciel, c’est blasphème, à mon gré ;
Dire qu’il vient du diable, et s’exerce malgré
La volonté de Dieu, ce serait pis encore :
L’un combat la bonté qu’en cet être on adore ;
L’autre abaisse et détruit son suprême pouvoir.
Delà, les mots sacrés, les cartes, le miroir,
Les dés, les talismans, le sas, les amulettes :
Folles inventions, d’ignares femmelettes.
Il est d’autres erreurs moins coupables, au fond,
Mais qui marquent toujours un esprit peu profond,
Un homme peu sensé, parfaitement ignare,
Ou, pour dire le moins, extrêmement bizarre.
Tel, des anciens jongleurs savourant les discours,
Et de l’astre des nuits redoutant le décours,
Pour semer le navet, la carotte ou la prune,
Attend patiemment le croissant de la lune.
La lune, selon lui, fait croître les cheveux,
Rend les remèdes vains, ou les travaux heureux ;
Dans son croissant, les vins, les viandes sont plus saines,
Les cancres, les homards, les huîtres sont plus pleines ;
De tout, enfin, la lune, en poursuivant son cours,
Et selon qu’on la voit en croissant ou décours,
Et gouverne et conduit la crue ou la décrue.
De voyager, sortir, se montrer dans la rue,
Même de commencer un ouvrage important,
Tel autre écervelé se garde, redoutant,
Ou des astres errants la maligne influence,
Ou d’un jour malheureux la funeste présence.
Au village, quels sont les communs entretiens ?
Il est vrai que, vivant en des climats chrétiens,
Nos vierges ne vont pas, jongleuses Mexicaines,
Se flageller, tirer le sang pur de leurs veines,
Pour, humaines, sauver un astre du trépas,
Ou du moins du ménage apaiser les débats,