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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

tants, leur parla avec toute l’énergie d’une émotion puissante et irrésistible. Elle les conjura, leur ordonna de s’en retourner avec elle vers leur nation. Rosalie écouta froidement, et sans rien dire, les paroles de sa mère ; Françoise, au contraire, appuya la tête sur ses genoux, et pleura amèrement. Sa résolution était ébranlée : Genanhatenna se lève pour partir ; le moment de la décision ne pouvait plus se différer. Alors Françoise presse contre ses lèvres la croix qui pendait à son cou, et dit : « Ma mère, j’ai fait un vœu chrétien, et je ne dois pas le violer. »

« Viens donc avec moi dans le bois, répartit la mère, s’il faut que nous nous séparions, que ce soit là. Viens vite, le jeune chef Allewemi m’attend ; il a exposé sa vie pour venir avec moi ici. Si les outaouais l’aperçoivent, leurs lâches esprits les feront se glorifier d’une victoire sur un seul homme. »

« N’y vas pas, lui dit tout bas Rosalie, il n’y a pas de sûreté à quelques centaines de pas de nos cabanes. » Françoise était trop émue pour pouvoir écouter les conseils de la prudence : elle suivit sa mère. Lorsqu’elles furent arrivées dans le bois, Genanhatenna renouvela ses pressantes instances : « Ah ! Françoise, dit-elle, on te renfermera dans des murs de pierre, où tu ne respireras plus l’air frais ; où tu n’entendras plus le chant des oiseaux, ni le murmure des eaux. Ces outaouais ont tué tes frères ; ton père était le plus grand arbre de nos forêts ; mais maintenant ses branches sont toutes coupées ou desséchées ; et si tu ne reviens pas, il meurt sans laisser un seul rejeton. Hélas ! hélas ! j’ai mis au monde des fils et des filles, et il faut que je meure sans enfants. »

Le cœur de Françoise fut attendri : « Je m’en retourne, je m’en retourne avec toi, ô ma mère ! s’écria-t-elle ; promets-moi que mon père me permettra d’être chrétienne. »

« Je ne le puis, Françoise, répliqua Genanhatenna : ton père a juré par le dieu d’Aréouski, que nulle chrétienne ne vivra parmi les iroquois. »