Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

absence, se réjouissait de l’idée d’en revoir bientôt une autre. C’est à peu près de la même manière que chaque jour je regarde ma lucarne, dans l’anxiété de distinguer quelques nouveaux hôtes dans le grenier vis-à-vis. Quant aux scènes dont j’ai déjà été témoin, je ne sais trop comment vous les raconter. — Hélas ! les afflictions des pauvres diffèrent grandement de celles que l’imagination aime à se créer !…

Jacques, mon domestique, entre et, interrompant mes réflexions philanthropiques, m’annonce un nouveau locataire pour le petit grenier. Voyons donc ce que la fortune nous enverra.

Lundi. — Vraiment ! voici une nouvelle personne Qui peut-elle être ? gracieuse… intéressante… si jeune, aussi ; car elle paraît n’avoir pas plus de dix-sept ans, et néanmoins les fleurs de la jeunesse sont déjà fanées sur cette figure qui reflète la mélancolie. — Ma lucarne est placée de manière que je puis l’examiner sans en être aperçu moi-même. Évidemment, elle n’est pas née pour habiter un grenier ; et, dans un âge aussi tendre, qui peut l’y avoir réduite… Peut-être la corruption ?… mais non, chassons cette idée, ses regards sont trop purs.

Dix heures du soir. — Jamais je ne vins à ma fenêtre si souvent. — Je crains bien que mes doutes ne soient trop bien fondés ; cette fille n’a fait durant le jour qu’écrire une lettre : ceci me paraît louche, doublement louche ; il y avait quelque chose de je ne sais quoi dans la manière dont elle se couvrit le visage après l’avoir finie, puis la vitesse avec laquelle elle sortit, quand elle l’eut cachetée, me persuade, plus qu’à demi, qu’elle n’est pas ce que j’espérais.

Mardi. — Je crois qu’après tout, je ne suis qu’un médisant vieux radoteur. Elle s’est occupée, ce matin, à mettre en ordre son pauvre petit appartement, et après, elle s’assit, prit un livre qui, d’après le maintien recueilli de la jeune fille en le lisant, me semble être un livre de prières. — Voilà qui est mieux ; mais pourquoi ne travaille-t-elle pas ? Pauvre fille… la vue de son dîner a complètement