Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

orphelins. Éliza accepta une place de femme de chambre ! Son frère Édouard, n’ayant d’autre ressource que sa plume, espérait, par ses efforts, pouvoir un jour procurer à sa sœur une existence plus douce. Ce fut en vain ; les épargnes seules de sa sœur le mirent à l’abri de la faim. La fortune n’avait pas encore épuisé ses coups. La beauté d’Éliza captiva le mari de la personne chez qui elle servait : elle quitta cette famille pour échapper à ses importunités ; mais le misérable, la trouvant inaccessible à la corruption, espérait la conquérir par la terreur. La vile créature des mains de laquelle je l’ai tirée était son agent ; elle s’était introduite auprès de la jeune fille en lui offrant de la prendre à son service, et l’avait priée d’accepter une légère somme d’argent pour se procurer le nécessaire. Aussitôt qu’elle eût appris qu’elle avait disposé de cet argent, elle se crut sûre de sa proie ; mais au moment où elle pensait la saisir, la Providence envoya à Éliza le seul parent qui eût, en même temps, le pouvoir et la volonté de l’aider.

Quand la sorcière fut sortie, la pauvre jeune fille leva les yeux au ciel d’un air si pieusement reconnaissant qu’il fallait être aussi obtus que je le suis pour croire encore à son crime.

— Je sais tout ! dis-je, en l’interrompant, comme elle me remerciait ; j’ai tout vu ! je vous ai vue dans les bras de votre amant…

— Mon amant ?

— Oui ! celui à qui vous prodiguiez de si tendres caresses, celui que vous cachâtes dans une armoire, celui même à qui vous donnâtes…

— Qui ? mon frère !

— Votre frère ! grand Dieu ! serait-il possible ?

— Je vous le jure. Écoutez-moi seulement.

.........................

Ciel ! avec quel bonheur j’entendis cette narration qui me persuada que je ne devais plus être isolé désormais !

J’avais retrouvé les deux enfants de ma sœur !

— Je n’ai pas besoin de dire que les malheurs de ces