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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Et je tombe d’accord que nous autres rimeurs
Sommes à tort en butte à messieurs les railleurs.
Je sais qu’à parler vrai, ta muse un peu grossière
Aux éloges pompeux ne peut donner matière ;
Mais enfin tu fais voir le germe d’un talent
Que doit encourager tout bon gouvernement,
Qui de chaque sujet distinguant bien la classe,
Met le rimeur toujours à la première place.
Mais celui par malheur sous lequel nous vivons,
Ne sut jamais, ami, tout ce que nous valons.
Quelle honte, en effet, au pays où nous sommes,
De voir le peu de cas que l’on fait des grands hommes !
De moi qui méritais qu’on célébrât mon nom,
Par mes vers, ma musique et ma distraction,
Et qui pourtant obscur dans un humble village,
De ce gouvernement ne reçus nul hommage ;
De toi-même, en un mot, qui pour avoir du pain,
Vois ta muse réduite à chanter au lutrin,
Et dois dire à part toi, chaque fois que tu dînes,
J’arrache ce repas de vêpres ou matines.
Ainsi donc de notre art méconnaissant le prix,
L’on nous met en oubli, nous autres beaux esprits ;
Et nos noms par l’effet d’un aveuglement triste,
Des emplois à donner ne sont point sur la liste ;
Tandis que tant de gens, sur leurs simples noms,
Obtiennent de l’état de bonnes pensions.
Et ces gens qui sont-ils ? Les uns des militaires,

    une récréation, sans faire de la versification une espèce de métier, c’est-à-dire, sans s’astreindre toujours aux règles que se sont imposées ceux qui aspirent au titre de poètes ou d’habiles versificateurs. On trouve dans ces pièces des licences que l’impression ne souffre pas plus présentement que les fautes d’orthographe ; mais la verve poétique, le sel attique même, perce presqu’à chaque vers. M. Quesnel ne s’était pas fait versificateur par l’étude des règles, mais il était né poète, ou l’était devenu par la simple lecture des beaux modèles. C’est avec vérité et sans flatterie, suivant nous, qu’un poète français qui a passé quelques jours en ce pays, a dit de lui en faisant allusion à une de ses productions poétiques :

    Quesnel, le père des amours,
    Semblable à son petit bonhomme,
    Vit encore et vivra toujours.

    Plusieurs de ses pièces nous paraissent dignes en effet de passer à la postérité, du moins, pour ne point exagérer, à la postérité canadienne. »