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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Ou si l’on connaissait le joli compliment
Que ta muse enfanta pour un représentant !
Un lecteur de bon goût eût eu l’âme ravie,
Et ton nom paraissait en dépit de l’envie.
Je l’ai lu cet écrit ; certes, il était beau,
Car pour l’orner ta muse avait pillé Boileau :
Je l’eus pendant longtemps gravé dans la mémoire
Mais tout s’oublie enfin. Reprenons mon histoire
Je te disais comment, facile à décevoir,
Sur mon drame nouveau, je fondais mon espoir.
Ma pièce enfin paraît : ô flatteuse soirée :
Oh ! il faut être auteur pour en avoir l’idée.
On rit, on rit, on rit, mais ce fut tout aussi ;
Jamais je n’en reçus le moindre grand merci :
Et, qui pis est, privé des honneurs du poète,
Pas un seul mot de moi ne fut sur la gazette.
Est-il rien de plus dur ? puis faites-vous auteur ;
Épuisez votre esprit pour plaire au spectateur !
On vous applaudira ; d’accord ; mais dans la troupe,
Diable, s’il en est un, qui vous offre sa soupe.
Tu vois, cher Labadi, par mon sort inhumain,
Que nous pouvons nous joindre et nous donner la main.
Tous deux, sans contredit, avons droit de nous plaindre,
Mais plaignons-nous tout bas, et sachons nous contraindre
Et si l’on rit de toi, consolons-nous tous deux.
Tu vois qu’hélas, mon sort n’est guère plus heureux,
Et que de mes succès, musicien et poète,
J’ai lieu d’être content comme un chien que l’on fouette.
Mais aussi qui dira si de méchants esprits,
N’ont point quelque raison de blâmer nos écrits ?
Pour moi, je t’avouerai que mon œuvre comique
N’eût pu d’un connaisseur soutenir la critique.
J’avais quatre grands mois travaillé comme un chien,
Et la pièce, entre nous, ma foi, ne valait rien.
On l’avait dit du moins, et j’en eus connaissance.
Mais doit-on être ici plus délicat qu’en France,
Où souvent maint auteur qui prétendait briller,
Endormait le parterre et le faisait bailler ?
Non, non, je me reprends, la pièce était très bonne,
Et si je n’en reçus compliments de personne,
C’est que pour les talents, et pour les vers surtout,
Ces gens-ci n’ont point d’âme… ou qu’ils ont trop de goût.