Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/46

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ble. Hièr, par-exemple, on lui fit-present d’un gâteau ; elle en-a-donné aux deux anciéns Élèves, en-affectant de ne faire augu’une attention à moi. Je ſuis tréspeu ſenſible au plaisir de manger du gâteau ; mais, mon Frère, on n’en-agit pas ainſi chés nous ; on craindrait de mortifier, par le moindre oubli, juſqu’au petit Blaisot le Berger. Cette m.lle Manon !… je trouve cela dur !… Elle humilie tout le monde (qui lui deplait ſ’entend) : ét ſi tu voyais comme elle en-agit avec la Fille qui ſert dans la maison ! j’en-rougis quelquefois pour elle. Mademoiselle croit audeſſous delle de ſe-ſervir de ſes mains ; c’eſt toujours : »— Tiénnette, donne-moi ci ; Tiénnette, donne-moi ça-. Si l’on n’eſt pas aſſés prompte, les noms de bête, de ſote, d’imbecile, de cruche ne ſont-pas-épargnés. Je crois que le grand tort de la pauvre Tiénnette, c’eſt d’être jeune ét jolie autant que m.lle Manon, ſi elle ne la paſſe. Eſt-il poſſible (ét j’en-reviéns toujours-là) qu’on ait ſi-peu d’égard pour ſes Semblables ! En-verité, je ne le pourrais croire, ſi je n’en-étais pas temoin !…

20 mars.

Je te dirai que je me trouve ce-printemps dans une ſituation bién-particulière, ſurtout les veilles-de-fêtes ! Les matins en-m’éveillant, ét avant que de m’être-entièrement-reconnu, il me ſemble que je ſuis encore chés nous. J’entens, ou dumoins je crois