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En Acadie, le colonel Winslow, avec plus de 2, 000 hommes, assiégea les forts Gaspareaux et de Beauséjour qui défendaient l’isthme de Shédiac. Le premier de ces forts n’était retranché qu’avec des pieux très écartés et n’avait que 19 hommes de garnison ; les remparts du second, gardés par 400 soldats, étaient en très mauvais état. Les Anglais s’emparèrent, sans coup férir, des deux forts, qui ne firent pas, dans ces circonstances, toute la résistance qu’ils auraient dû[1].

La prise de ces forts assurait aux Anglais, avec le libre passage de l’isthme acadien, une domination plus incontestée que jamais sur la population de race française qui continuait d’habiter la presqu’île et les rivages de la baie de Fundy. Il est profondément regrettable, pour leur réputation d’humanité, que les Anglais se soient départis, en cette occasion, de la justice et de l’humanité qui sied à des vainqueurs, en présence surtout d’un peuple désarmé. L’épisode que nous allons raconter a mis dans leur histoire une tache qu’aucun essai de justification ne saurait effacer.

La population totale des Acadiens français s’élevait, à cette époque, à 16,000 âmes ; de ce nombre 4,000 peut-être avaient émigré dans les îles du golfe St-Laurent où elles se retrouvaient sous le pavillon de la France ; un nombre à peu près égal s’était réfugié dans les postes encore occupés par les troupes françaises autour de l’isthme de Shédiac et c’étaient des

  1. Traduits, deux ans après, devant un conseil de guerre, pour répondre de leur conduite peu honorable, les commandants des forts, (MM. de Villeray et Vercors-Duchambon) obtinrent pourtant leur acquittement.