Page:Réveillaud - Histoire du Canada et des canadiens français, de la découverte jusqu'à nos jours, 1884.djvu/241

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Vaudreuil n’est pas en état de faire un projet de guerre ; il n’a aucune activité ; il donne sa confiance à des empiriques. M. Bigot ne parait occupé que de faire une grande fortune pour lui et ses adhérents ou complaisants… L’avidité a gagné les officiers, gardes-magasins, commis, qui sont vers l’Ohio ou auprès des sauvages dans les pays d’en-haut ; ils font des fortunes étonnantes ; ce n’est que certificats faux admis également… Quels surveillants mettre dans un pays dont le moindre cadet, un sergent, un canonnier, reviennent avec 20, 30,000 livres en certificats pour marchandises livrées par les sauvages ?… L’envie de s’enrichir influe sur la guerre sans que M. de Vaudreuil s’en doute. Tous se hâtent de faire leur fortune avant la perte de la colonie, que plusieurs peut-être désirent comme un voile impénétrable pour leur conduite. »

Ces odieux désordres n’eussent pas été possibles si l’attention de la France eût été un peu plus portée du côté du Canada. Mais la belle victoire navale du marquis de la Galissonnière devant Minorque, l’escalade et la prise de Mac-Mahon par les troupes du maréchal de Richelieu, étaient des faits d’armes qui rejetaient dans l’ombre les combats lointains du Canada. Le grand intérêt était surtout aux faits et gestes de ce Frédéric II avec qui, bien que notre ennemi, sympathisaient plus d’un « philosophe » et plus d’un courtisan. « Tous les chasseurs, écrivait Voltaire de son ton léger et dégagé, s’assemblent pour faire une Saint-Hubert à ses dépens. Français, Suédois, Russes, se mêlent aux Autrichiens ; quand on a tant d’ennemis, et tant d’efforts à soutenir, on ne peut succomber qu’avec gloire.