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caractérisées et souvent en conflit : celle des catholiques modérés, temporisateurs, respectueux de l’autorité des évêques locaux, et celle des catholiques violents, fanatiques, plus papistes en ce moment que le pape, défiants de l’Université Laval et grands partisans des jésuites, rangés autour d’un programme ultra-clérical qui leur a valu le sobriquet de « programmistes » ; ces divergences de vues qui partagent évêques et fidèles et dont l’écho se répercute dans la presse locale, tout cela, dans un pays où les prêtres ont une clientèle encore si attachée à leur personne et si confiante dans leur direction, dans un pays où l’abjuration d’un seul prêtre, l’ex-Père Chiniquy, devenu pasteur protestant, a suffi pour déterminer d’un seul coup des milliers d’autres abjurations, pourrait bien amener un jour ou l’autre, dans le sein de l’Église canadienne, un schisme dont la conséquence serait d’arracher à la domination du siège romain une bonne moitié de la population franco-canadienne. — L’une des causes de succès de ce mouvement, s’il se produit jamais, sera sans doute qu’en gardant l’étiquette de « catholique » il maintiendra, vis-à-vis des Anglo-Saxons protestants, l’un des traits distinctifs et traditionnels de la nationalité franco-canadienne.

En attendant, il est permis de voir les prémices d’une Réforme plus complète dans l’existence, au milieu même de la province de Québec, de plusieurs petites Églises et communautés protestantes de langue française. La seule ville de Montréal compte aujourd’hui cinq de ces communautés dont les conducteurs, MM. les pasteurs Cruchet, Lafleur, Louis-N. Beaudry, Doudiet et J. Roy, se distinguent autant par leur talent que par leur piété