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le vieux cévenol.

nait, d’ailleurs, plus grave, parce que le chirurgien qu’on avait imprudemment instruit ne pouvait manquer de dire où et comment sa malade avait reçu cette blessure mortelle. Il connaissait l’attachement de sa mère pour sa religion ; et il ne doutait pas qu’après sa mort, elle ne fût traînée sur la claie et jetée à la voirie. La piété filiale lui donna dans ce moment un courage et des forces qu’il n’aurait jamais trouvées dans d’autres circonstances. Il enveloppe sa mère dans une couverture, et l’emporte sur ses épaules, pour la dérober aux persécutions dont elle était menacée. L’embarras et le poids de cette charge l’empêchèrent d’aller bien loin. Se trouvant dans une rue détournée vis-à-vis de la porte d’un de ses amis, il s’y arrêta, et son ami étant descendu au bruit de la sonnette, Ambroise lui demanda, la larme à l’œil, un asile pour sa mère expirante ; il se préparait même à monter avec son précieux fardeau. Mais, dans ces temps malheureux, chacun songeait à sa sûreté, et la crainte de ses propres maux rendait insensible à ceux des autres. « Mon cher Ambroise, » lui dit son ami, « je ne puis vous accorder ce que vous me demandez ; je connais les lois : elles sont sévères, et leurs exécuteurs avides et impitoyables. Il y a une Déclaration du roi[1] qui défend, sous peine

  1. 4 septembre 1684. Arrêt du Conseil qui défend aux protestants de retirer dans leurs maisons aucun pauvre malade de leur religion. Ces malades sont condamnés à respirer l’air em-