Page:Rabaut - Le vieux Cévenol, 1886.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
le vieux cévenol.

purent les contraindre d’embrasser, ils se virent sans instruction, sans assemblées religieuses et sans prières. Eh bien ! qu’en arriva-t-il ? Conservant toujours le souvenir de leurs temples, que la privation leur rendait plus chers, ils s’assemblèrent en secret ; le premier venu faisait les fonctions publiques ; des femmes et des enfants se mêlaient de les remplir. Ces ignorants suppléaient à ce qu’ils n’avaient pas appris par des idées absurdes ; bientôt ils firent les prophètes ; les peuples à qui il fallait du pain, quel qu’il fût, donnèrent dans les mêmes visions, et tous tombèrent dans un fanatisme ridicule qui n’avait plus de religion que le nom. Quand ensuite on renouvela les anciennes rigueurs dont ce pays avait été le théâtre, les enfants résistèrent aux persécutions que les pères avaient souffertes sans se plaindre ; quelques fanatiques prirent les armes, et ce fut, avec les violences des prêtres, une des causes de la guerre des Camisards. Le fanatisme ne cessa que lorsque le culte fut renouvelé selon le rite des autres protestants de l’Europe.

— Voilà, reprit le voyageur, ce que j’aurais prédit ; quand vous aviez des ministres, ils vous exhortaient à la patience et vous encourageaient au martyre ; ils vous représentaient les persécuteurs comme les instruments de la Providence : mais, depuis, vous ne vîtes en eux que vos ennemis, et vous tentâtes de repousser la force par la force.

— Nous détestons, monsieur, leur conduite,