Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/123

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& quatorze muys. Gymnaste & son compaignon tant chevauchèrent qu’ilz rencontrèrent les ennemys tous espars et mal en ordre, pillans & desrobans tout ce qu’ilz povoient : et de tant loing qu’ilz l’aperceurent accoururent sus luy à la foulle pour le destrousser : adonc il leur cria, messieurs ie suis pauvre diable, ie vous requiers qu’ayez de moy mercy. Iay encourez quelque teston, nous le boyrons, & ce cheval icy sera vendu pour payer ma bien venue : cela faict retenez moy des vostres, car iamais homme ne sceut mieulx prendre larder, roustir, & aprester, voyre par dieu demembrer, et gourmender poulle que moy qui suis icy, & pour mon proficiat ie boy à tous bons compaignons. Lors descouvrir sa ferrière, & sans mettre le nez dedans, beuvoit assez honestement. Les marroufles le regardoient ouvrans la gueule d’ung grand pied, et tirans les langues comme levriers en attente de boyre après : mais Trpiet le capitaine sus ce poinct accourut veoir que c’estoit. Adoncq Gymnaste luy offrit la bouteille, disant. Tenez capitaine, beuvez en hardument, ien ay faict l’essay, c’est vin de la Faye moniau. Quoy, dist Tripet, ce gautier icy se guabèle de no’. Qui es tu ? Ie suis (dist Gymnaste) pauvre diable. Ha, dist tripet, puis que tu es pauvre diable, c’est raison que passez oultre, car tout