Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/149

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Le Moyne disant ces parolles en cholère passa soubz un noyer tyrant vers la saullaye, & emprocha la visière de son heaulme à la roupte d’une grosse branche du noyer. Ce non obstant donna fierement des esprons à son cheval, lequel estoit chastouilleur à la poincte, en manière que le cheval bondit en avant, & le Moyne voulant deffaire la visière du croc, lasche la bride, & de la main se pend aux branches : ce pendent que le cheval se desrobe dessoubz luy. Par ce moyen demoura le Moyne pendant au noyer, & criant à l’aide & au meurtre, protestant aussi de trahison. Endemon premier l’aperceut, & apellant Gargantua dist. Sire venez & voyez Absalon pendu. Gargantua venu consydera la contenance du moyne : & la forme dont il pendoit, & dist à Endemon. Vous avez mal encontré le comparant à Absalon. Car Absalon se pendit par les cheveux, mais le moyne ras de teste s’est pendu par les aureilles. Aydez moy (dist le moyne) de par le diable. N’est il pas bien temps de iazer ? Vous me semblez les prescheurs decretalistes, qui disent que quiconques verra son prochain en dangier de mort, il le doibt sus peine d’excommunication trisulce plus toust admonester de soy confesser & mettre en estat de grace, que de luy ayder. Quand doncques ie les verray tombez en la rivière, & prestz d’estre noyez, en lieu de les aller querir & bailler la main, ie leur fe-