Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ser, les dames montées suz belles hacquenées avecques leur palefroy guorriers, sus le poing mignonnement portoient chascune, ou un esparvier, ou un laneret, ou un esmerillon : les hommes portoitent les aultres oyzeaux. Tant noblement estoient aprins qu’il n’estoyt entre eulx celluy ny celle qui ne sceust lire, escripre, chanter, iouer d’instrumens harmonieux, parler de cinq à six langaiges, & en icelles composer tant en carmes que en oraison solue. Iamais ne feurent veuz chevaliers tant preux, tant gualans, tant dextres & à pied & à cheval, plus vers, mieulx remuans, mieulx manians tous bastons, que là estoient. Iamais ne feurent veues dames tant propres, tant mignonnes, moins fascheuses, plus doctes à la main, à l’aureille, à tout acte mulièbre honeste & libère, que là estoient. Par ceste raison quand le temps venu estoit que aulcun d’icelle abbaye, ou à la requeste de ses parens, ou pour aultres causes voulut issir hors, avecques osy il emmenoyt une des dames celle laquelle l’auroit prins pour son devot : & estoient ensemble mariez. Et si bien avoient vescu à Theleme en devotion & amityé : encores mieulx la continuoient ilz en mariage & autant se entraymoient ilz à la fin de leurs iours, comme le premier de leurs nopces, Ie ne veulx oublier vous descripre un enigme qui feut trouvé au fondemens de l’abbaye en une grande lame de bronze. Tel estoyt comme s’ensuyt.