Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/71

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mais ouy bien de boyre matin.

Unde versus.

Lever matin, n’est poinct bon heur,
Boire matin est le meilleur.

Après avoir bien à poinct desieuné, alloit à l’ecclise, & luy portoit on dedans un grand penier un gros breviaire empantouflé, pesant tant en gresse que en fremoirs & parchemin poy plus poy moins unze quintaulx. Là oyoit vingt & six ou trente messes, & ce pendent venoit son diseur d’heures en place, empaletocqué comme une duppe, & tresbien antidoté son alaine à force syropt vignolat. Avecques icelluy marmonnoit toutes ces kyrielles : & tant curieusement les espluschoit, qu’il n’en tomboit un seul grain en terre. Au partir de l’ecclise, on luy amenoit sur une traine à beufz un faratz de patenostres de sainct Claude, aussi grosses chacune, qu’est le moulle d’un bonnet : & se pourmenant par les cloistres, galeries, ou iardin en disoit plus que seize hermites. Puis estudioyt quelque meschante demye heure, les yeulx assis dessus son livre, mais (comme dict le Comicque) son ame estoit en la cuysine. Pissant doncq plein official, se asseoyt à table. Et par ce qu’il estoit naturellement phlegmaticque, commençoit son repas, par quelques douzaines de iambons, de langues de beuf fumées, de boutargues, d’andouilles, & telz aultres avant