Page:Rabelais - Gargantua, Juste, Lyon, 1535.djvu/97

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courtes, & en l’advent & tout hyver tant longues ? Feu de bonne memoyre frère Macé Pelosse, vray zelateur, ou ie me donne au diable, de nostre religion, me dist, il me soubvient, que la raison estoyt, affin qu’en ceste saison nous facions bien serrer & fayre le vin & qu’en hyver nous le humons. Escoutez messieurs vous aultres : qui ayme le vin le cor dieu sy ne suyve. Car hardiment que sainct Antoine me arde sy ceulx tastent du pyot, qui n’auront secouru la vigne. Ventre dieu, les biens de l’ecclise ? ha non non. Diable sainct Thomas langloys voulut bien pour yceux mourir, si ie y mouroys ne seroys ie pas sainct de mesmes ? Ie ny mourray ia pourtant, car c’est moy qui le foys es aultres. Ce disant mist bas son grand habit, & se saisit du baston de la croix, qui estoyt de cueur de cormier long comme une lance, rond à plain poing & quelque peu semé de fleurs de lys toutes presque effacées. Ainsi sortit en beau sayon & mist son froc en escharpe. Et de son baston de la croix donna sy brusquement sus les ennemys qui sans ordre ny enseigne, ny trompette, ny tabourin, parmy le clous vendangeoient. Car les porteguydons & portenseignes avoient mys leurs guidons & enseignes l’orée des meurs, les tabourineurs avoient defoncez leurs tabourins d’un cousté, pour les emplir de raisins, les trompettes estoient chargez